La tâche est lourde pour Bluepoint Games : faire revenir un titre considéré comme culte et créer la première “véritable exclusivité next-gen" de la PS5. Et autant le dire tout de suite : le défi est relevé haut la main, malgré quelques petits défauts inhérents au jeu de From Software (et que le studio en charge de ce remake ne s’est pas aventuré à corriger - on en reparle plus tard). Bien sûr, ce sont d’abord les graphismes de ce Demon’s Souls, mettant à profit la puissance de la nouvelle PlayStation, qui sautent aux yeux.
Le Demon’s Souls d’origine n’était pas spécialement vilain pour 2009. Beaucoup de joueurs se souviennent de son atmosphère poisseuse, empreinte de la malédiction des différents démons. Et pour transposer cet univers dans un écrin plus réaliste, Bluepoint a opéré quelques changements. On se retrouve ainsi avec une palette bleutée pour le Palais de Bolétaria et des lumières tamisées pour l’intérieur. Mais si jamais le vert crado de l’époque vous manque, il est possible d’appliquer un filtre spécialement prévu pour dans le menu option. Vous pourrez aussi rendre les couleurs plus vives voire passer Demon’s Souls en sépia.
Mais comme nous le disait Gavin Moore, directeur créatif du projet, dans une interview le mois dernier, “faîtes d’abord le jeu de la manière dont on l’a imaginé puis activez tous les filtres que vous voulez (rires)”. Et diantre, l’homme a raison. Tout simplement parce que dans son plus simple appareil, le remake de Demon’s Souls est une réussite à tous les niveaux. Le tout est d’un niveau de détail et d’une consistance, aussi bien technique qu’artistique, d’une rare qualité. Sur TV 4K HDR, attendez-vous à un sérieux waouh effect. Et pas d’inquiétude pour immortaliser vos plus grands moments : un mode photo est de la partie.
Ce qu’il y a de génial avec cette débauche de pixels, c’est qu’elle est au service d’un lore particulièrement puissant, quasi-mythologique. Pour rappel, dans Demon’s Souls, le royaume de Bolétaria est envahi par un épais brouillard et des démons à cause de la soif de puissance du monarque, le roi Allant. Et ce scénario transparaît dans la moindre pierre du palais royal, chaque artefact du Sanctuaire des Tempêtes. Tout objet ou décor s’ancre ainsi dans une forme de réalité, et participe à crédibiliser celle-ci.
Pour accentuer davantage l’entrée de plain-pied dans cette fantaisie crédible, Bluepoint a ajouté des détails qui sont la bienvenue, notamment des animations faciales plutôt réussies pour les PNJ et un doublage français (absent du jeu de base), d’ailleurs de très bonne facture. Bon, par contre, les personnages que vous côtoyez le plus souvent vous répondront toujours les mêmes phrases pour ponctuer vos passages.
Après avoir tapé la discute aux PNJ du Nexus (le hub de Demon’s Souls qui permet d’accéder aux cinq mondes du jeu, à la manière de Dark Souls III ou de Bloodborne), il faudra bien partir au combat. Suite à un tutoriel et un premier level imposé, vous aurez ainsi la possibilité de prendre Demon’s Souls par n’importe quel bout. Une qualité de l’époque toujours présente ici, qui permet par exemple de changer d’air si vous butez sur le même endroit (c’est d’ailleurs dans ces moments-là que vous constaterez l’efficacité du SSD, pouvant charger une zone entière en quelques secondes pour retourner rapidement au combat).
Cette diversité d’approche s’applique aussi à votre classe, au moment de la création de personnage (d’ailleurs totalement revue et étoffée pour l’occasion, un vrai plus). Une classe qui fait davantage office de socle, votre avatar pouvant tout à fait se battre en armure lourde et de la magie même s’il n’est pas prédisposé pour, tant qu’il possède le bon nombre de points pour la ou les bon(s) attribut(s) (Intelligence, Force, etc). Des points qui s'obtiennent en échange d’âmes, comme dans tous les Souls.
Bref, c’est comme à l’époque : la formule de Demon’s Souls reste inchangée, mais Bluepoint s’est appliqué à lui donner une patine plus moderne. Pour les combats par exemple, les timings n’ont pas bougé d’un pouce mais bénéficient de bien meilleures animations. Les mouvements gagnent en crédibilité, et les impacts sont bien plus viscéraux que par le passé. Quel plaisir de surprendre un adversaire de dos et de lui infliger une puissante attaque, ou de voir ses armes s’envoler au moment du coup d’épée final.
Tous ces éléments (graphismes, animations) participent à faire de Demon’s Souls Remake un jeu très immersif. Mais il faut aussi saluer le travail sur le son, criant de vérité. Outre le bruit des lames contre les boucliers et des flèches dans la pierre, ce sont surtout les bruitages des boss qui forcent le respect. Comme ceux du Chevalier de la Tour, démon dantesque du Palais de Bolétaria, dont la tôle se froisse bruyamment au moindre bond. Sans oublier la musique, sublime, fruit de la réorchestration des morceaux du jeu d’origine.
Si ces boss sont encore plus impressionnants que par le passé, leurs patterns n’ont en revanche pas évolué. Non pas qu’il fallait absolument tout changer pour surprendre le joueur, mais en l’état, ces ennemis si importants bénéficient d’environ quatre mouvements au maximum, et nous ont paru bien plus prévisibles que dans les autres Souls. Il n’y en a par exemple aucun qui fera de nouvelles attaques une fois sa barre de vie réduite de moitié. Sans oublier que pas mal de boss de Demon’s Souls prennent plus la forme de petites énigmes que de véritables affrontements. Un gimmick absent de ses suites spirituelles.
Au global, l’aventure - comptez environ 15h pour une première run en ayant ses habitudes - nous a assez rarement procuré ce sentiment de réussite et de dépassement de soi, si précieux dans un jeu marqué par le sceau de From Software (même si certains passages jouissent toujours d’un level design, inchangé lui aussi, délicieusement diabolique). Difficile à dire si cela vient de notre connaissance du Demon’s Souls d’origine ou de nos habitudes avec le système de combat, voire du 60 fps, qui permet de mieux appréhender les patterns ennemis. De quoi, au final, décevoir certains, mais qui ouvre sans doute la voie à de nouveaux joueurs.
Dans plus ou moins le même ordre d’idées (c’est plutôt parce que certaines choses ont mal vieilli), pas mal de petits détails ont changé dans ce remake. Par exemple : l’interface fait l’objet d’un sérieux ravalement de façade. Il est dans l’ensemble plus clair, malgré des informations toujours nombreuses. De quoi mieux comprendre où se situe la Tendance des Mondes, qui définit la difficulté des niveaux en fonction des actions du joueur (s’il joue hors ligne) ou de la communauté (si en ligne). Idem pour la fragilité de l’arme, dont la durée de vie s’affiche dorénavant en bas à gauche de l’écran en plein jeu.
Mais il y a surtout un petit détail qui fait la différence (en plus des échelles que l’on peut maintenant descendre rapidement). Vous vous souvenez du système d’encombrement ? Au-delà d’avoir une vitesse de déplacement - et surtout de roulade - impactée par l’équipement que l’on porte, Demon’s Souls imposait une limite pour tous les objets dans l’inventaire selon le poids. Eh bien maintenant, trouver un objet alors que vous êtes plein l’enverra automatiquement dans la réserve, au Nexus. Une (très) bonne idée pour éviter des allers retours frustrants, qui faisaient de plus réapparaître les ennemis.
Sinon, Bluepoint a dorénavant fixé un poids d’inventaire pour les herbes qui permettent de recharger sa vie (ce qui n’empêche pas d’en avoir des dizaines sur soi). Et il est aussi possible - sur le papier du moins - de jouer jusqu’à six joueurs en ligne. Nous n’avons pas pu essayer en profondeur cet aspect lors de notre test, le multijoueur de Demon’s Souls dépendant du bon vouloir des autres joueurs à vous invoquer (on n'est pas du tout sur un modèle de liste classique). Mais de ce côté, petite nouveauté, il y a maintenant un système de mot de passe pour retrouver ses camarades en ligne. De quoi partager le plaisir (sadique) à plusieurs.