Théorie

Rencontre avec le diable

«Léonard est un homosexuel qui a des rapports multiples et qui n'essaie pas d'avoir des liens d'attachement, explique Sophie Chauveau. Ça m'a beaucoup gênée quand j'ai commencé à travailler parce que je ne lui connaissais pas d'amour.»


Pourtant, il semble bien que le peintre se soit passionnément épris d'un garçon. Celui-ci n'est âgé que de 10 ans quand il croise la route de Léonard qui l'intègre à sa bottega: il s'agit de Salai («diable»), sobriquet donné par le maître lui-même. C'est un véritable garnement, menteur, glouton et voleur, qui pioche jusque dans la bourse de son protecteur. Il a beau semer la pagaille dans l'atelier dont il ébrèche la réputation, Léonard, complétement séduit, lui passe tout. Au point de ne plus savoir, du maître et de l'élève, qui est qui.


On connaît le visage de Salai puisqu'on est à peu près sûr qu'il a servi de modèle pour plusieurs œuvres de son maître, dont le Saint Jean-Baptiste évoqué précédemment. Certaines personnes ont même reconnu ses traits dans La Joconde. Ce qui a inspiré à l'historienne Sophie Herfort son livre Le Jocond.


En effet, quand on superpose les visages de Saint Jean-Baptiste et de la Joconde, la symétrie est étonnante. En outre, à l'arrière-fond gauche de la peinture, le chemin de terre dessine un S comme Salai.


Il s'agit néanmoins d'une opinion minoritaire dans le milieu des expert·es. Sophie Chauveau avance une autre explication: Mona Lisa pose durant trois ans, puis Léonard emmène la peinture avec lui en France, où il continue à peindre au doigt, de mémoire. Il façonne Mona Lisa à l'image du souvenir qu'il a de Salai, resté en Italie. La peinture qu'il caresse au soir de sa vie aurait ainsi pris les traits idéalisés de son grand amour.

Salai

Gian Giacomo Caprotti (Salai)