Historique

Contexte : des prémices à la décision de réalisation

La première mention d'un télescope spatial remonte à 1923 : Hermann Oberth, un des pionniers de l'astronautique, indique dans son ouvrage Die Rakete zu den Planetenräumen (La fusée dans l'espace interplanétaire) qu'une fusée pourrait être utilisée pour placer un télescope en orbite. On peut retracer à 1946 l'origine du projet du télescope spatial Hubble. Cette année là l'astronome Lyman Spitzer publie un article intitulé Astronomical advantages of an extraterrestrial observatory exposant les avantages présentés par un télescope situé dans l'espace par rapport à un télescope situé sur Terre. Deux arguments sont mis en avant. D'une part la résolution angulaire n'est plus limitée par les turbulences atmosphériques mais uniquement par la diffraction : à l'époque la résolution d'un télescope de 2,5 mètres ne dépasse pas 0,5 à 1 seconde d'arc à cause de ce phénomène alors que théoriquement elle devrait pouvoir atteindre 0,05 seconde d'arc. Le deuxième avantage d'un télescope spatial est qu'il permet d'observer les rayonnements infrarouge et ultraviolet qui sont pratiquement complètement interceptés par l'atmosphère. Spitzer plaide durant toute sa carrière en faveur d'un projet de télescope spatial. En 1962, soit cinq ans après la mise en orbite du premier satellite artificiel, l'Académie Nationale des Sciences américaine identifie parmi les objectifs scientifiques à mener dans le cadre du programme spatial la réalisation d'un télescope spatial. En 1965 Spitzer est placé à la tête d'une commission chargée de définir les objectifs scientifiques d'un télescope spatial de grande taille. En réalité, l'astronomie spatiale débute à une très petite échelle immédiatement après la fin de la Seconde Guerre mondiale : des instruments embarqués sur les premières fusées-sondes parviennent à obtenir un spectre électromagnétique du Soleil dans l'ultraviolet. À compter de 1962 l'agence spatiale américaine NASA lance la première série de satellites dédiés à l'astronomie : les observatoires solaires Orbiting Solar Observatory (OSO) sont capables d'obtenir des spectres électromagnétiques dans les domaines de l'ultraviolet, des rayons X et des rayons gamma. Le Royaume-Uni place en orbite la même année son propre observatoire solaire, le satellite Ariel 1. Enfin en 1966 la NASA lance le premier télescope spatial de la série des Orbiting Astronomical Observatory (OAO). OAO-1 est victime d'une défaillance d'une batterie après trois jours mais OAO-2, qui a pour mission d'observer les étoiles et les galaxies dans l'ultraviolet, fonctionne de 1968 à 1972, bien au-delà de la durée d'une année pour lequel il avait été prévu.

Le projet

Les résultats scientifiques obtenus par la série des télescopes spatiaux de la NASA OAO convainquent la communauté des astronomes de se mobiliser pour lancer un projet de grand télescope spatial. En 1970 la NASA crée deux comités pour définir d'une part les caractéristiques techniques d'autre part les objectifs scientifiques de l'instrument. Mais l'agence spatiale américaine peine à obtenir un budget alors que le coût envisagé dépasse de manière importante celui d'un télescope terrestre de taille équivalente. En 1974 les fonds alloués à l'étude du télescope spatial sont entièrement annulés par le comité chargé de préparer le budget national. Malgré la pression de la communauté scientifique appuyée par un rapport de l'Académie des sciences américaines, le Congrès et le Sénat américain ne rétablissent que la moitié du montant demandé par la NASA pour réaliser les premières études détaillées des instruments susceptibles d'être embarqués et pour développer les premiers composants de la partie optique. Confronté à ces difficultés de financement, la NASA choisit de revoir les caractéristiques à la baisse avec une taille du miroir primaire ramenée de 3 à 2,4 mètres et l'Agence spatiale européenne est invitée dans le projet en échange d'une allocation de 15 % du temps d'observation : l'ESA doit fournir un des cinq instruments (Faint Object Camera), les panneaux solaires et participer au support opérationnel du télescope. Finalement, en 1977 le Congrès accorde les fonds nécessaires aux premiers travaux de construction du Large Space Telescope (LST), premier nom de l'instrument.

Le rôle de la navette spatiale américaine

Le télescope spatial est conçu dès le départ pour être réparé et amélioré périodiquement, une fois placé en orbite par des astronautes embarqués sur la navette spatiale américaine. Cette dernière est en cours de développement à l'époque et les futures missions de maintenance du télescope constituent progressivement une des raisons majeures de son existence, d'autant que la station spatiale qu'elle devait desservir ne trouve pas de financement. Pour permettre sa maintenance par les astronautes de nombreuses mains courantes peintes en jaune vif sont installées à la surface du télescope. Tous les instruments et de nombreux équipements sont conçus pour pouvoir être remplacés par un astronaute malgré le handicap de la combinaison spatiale rigide et des gants épais : ils sont accessibles derrière des panneaux qui peuvent être démontés avec un seul outil et ils se présentent sous la forme de boîtes aux interconnexions peu nombreuses et faciles à manipuler. Les panneaux solaires peuvent être enroulés et démontés pour être remplacés. La longue phase de développement a permis de mettre au point les outils et les procédures permettant les opérations de maintenance dans l'espace. L'astronaute Bruce McCandless en particulier y a consacré pratiquement 20 années de sa carrière en réalisant des répétitions sur une maquette du télescope spatial placée dans la piscine du Neutral Buoyancy Simulator simulant l'apesanteur.

Le lancement du télescope spatial (1990)

Le télescope est lancé le 24 avril 1990 par la mission STS-31 de la navette spatiale Discovery. Une fois celle-ci placée sur l'orbite future du télescope spatial, le 25 avril, l'astronaute et astronome Steven Hawley utilise le bras télécommandé pour sortir le télescope Hubble de la soute cargo. Des commandes sont envoyées pour déclencher le déploiement des antennes et des panneaux solaires. Puis le télescope est libéré du bras et s'oriente de lui-même en utilisant ses capteurs solaires puis une fois l'axe optique écarté de la direction du Soleil, la porte qui protège le télescope est ouverte et les premiers photons viennent frapper le miroir primaire. Le centre de contrôle au sol commence alors une longue phase de calibrage destinée à rendre le télescope opérationnel. La navette spatiale revient au sol avec un équipage confiant dans la réussite de la mission.

La mission de sauvetage STS-61 (1993)

Les astronautes de la première mission d'entretien (STS-61) se sont longuement entrainés pour leur intervention sur le télescope spatial. Toutes les réparations ne pourront peut-être pas être effectuées et des objectifs prioritaires ont été fixés : dans l'ordre l'installation de nouveaux panneaux solaires fournis par l'ESA, le remplacement de deux gyroscopes, l'installation de la caméra à champ large WF/PC-II et de l'instrument COSTAR. Le 2 décembre, avec un jour de retard sur le planning, la navette spatiale Endeavour décolle et, deux jours plus tard, Claude Nicollier parvient à saisir le télescope à l'aide du bras télécommandé de la navette spatiale et à le ramener dans la soute cargo de la navette pour commencer les travaux de maintenance. Jeffrey A. Hoffman et F. Story Musgrave enchaînent des sorties extravéhiculaires d'une durée de 6 à 8 heures durant cinq jours consécutifs. Tous les objectifs fixés à la mission sont remplis et un mois plus tard, au vu des résultats produits, le responsable scientifique du programme, déclare publiquement que la réparation du télescope spatial permet de tenir les objectifs les plus ambitieux qui avaient été fixés au projet. En mai 1994, des astronomes annoncent que des observations effectuées à l'aide de l'instrument ont permis pour la première fois d'établir de manière quasi certaine l'existence de trous noirs au centre de la galaxie voisine M-87. À la mi-juillet, le télescope est utilisé pour observer la chute des débris de la comète Shoemaker-Levy 9 sur Jupiter. À la fin de l'année, les conclusions d'inventaires systématiques d'étoiles pouvant constituer la masse manquante de l'univers se concluent par un échec confirmant la théorie de la matière noire.