Glossaire sur les Armes biologiques :

Agent biologique :

Matière contaminante dont les effets pathogènes entraînent la mort ou une incapacité. Les agents biologiques comprennent généralement les bactéries, les virus, les rickettsies, les champignons et les toxines. Ils peuvent être utilisés contre les êtres humains, les animaux ou les plantes. Ils pénètrent dans le corps humain par le biais du système respiratoire ou digestif.

Agent pathogène :

Toxine ou micro-organisme susceptible de causer une maladie. Tous les agents biologiques sont pathogènes.

Antibiotique :

Substance obtenue généralement à partir de micro-organismes détruisant ou empêchant la croissance d'autres micro-organismes virulents. Les antibiotiques stimulent le système immunitaire naturel et peuvent aussi être utilisés comme moyen de défense contre les agents biologiques. Les antibiotiques ne sont toutefois pas toujours efficaces dans ce rôle. De nombreux agents biologiques peuvent être conçus pour résister à des antibiotiques précis.

Arme biologique :

Engin ou vecteur qui emporte des agents biologiques vers une cible. Au début du xxe siècle, les armes biologiques étaient appelées armes bactériologiques.

Bactérie :

Micro-organisme unicellulaire constitué de cytoplasme et de membrane cellulaire. Certaines bactéries peuvent entraîner des maladies. Elles sont généralement cultivées facilement dans des milieux artificiels de culture liquide ou solide. La réplication des bactéries s'opère par simple division. De nombreuses bactéries pathogènes sont sensibles aux antibiotiques, mais il est possible de sélectionner des souches résistantes à des traitements particuliers. Différentes bactéries sont susceptibles d'être utilisées comme agents biologiques : la maladie du charbon, la peste et la brucellose.

Champignon :

Groupe de micro-organismes se nourrissant de matière organique. Ils ne sont généralement pas nocifs pour les êtres humains et les animaux, mais ils peuvent être nuisibles pour les plantes. Différents champignons sont susceptibles d'être utilisés comme agents biologiques : la rouille noire qui parasite le blé, et le Microcyclus ulei responsable de la maladie sud américaine des feuilles de l'hévéa (caoutchouc).

Confinement :

Régime de sécurité appliqué pour assurer une manipulation et un entretien sûrs des matières biologiques dangereuses. Il existe deux types de confinement : primaire et secondaire. Le confinement primaire consiste à protéger le personnel et l'environnement immédiat du laboratoire contre le risque d'exposition à des matières biologiques dangereuses. Le confinement secondaire consiste à protéger l'environnement en dehors du laboratoire de l'exposition à de telles matières.

Fermentation :

Processus permettant la culture ou la reproduction de micro-organismes tels que des agents biologiques dans un environnement contrôlé. Ce processus est indispensable à la culture d'agents biologiques.

Stabilisation :

Traitement d'un agent biologique pour le stocker ou le placer dans des munitions.

Toxine :

Sous-produit toxique de plante, d'animal ou de micro-organisme, ou issu d'une synthèse chimique artificielle. À la différence d'autres agents biologiques, les toxines ne peuvent se reproduire et ne peuvent produire de maladies transmissibles ; elles ne touchent que les organismes exposés. Une exposition à des toxines peut entraîner chez l'être humain une incapacité temporaire de quelques heures à plusieurs jours, voire conduire à la mort. Les toxines n'étant pas des organismes vivants, elles sont plus stables et donc plus faciles à manipuler que d'autres agents biologiques. Différentes toxines peuvent être utilisées comme agents biologiques : la toxine botulique, les aflatoxines et les saxitoxines.

Vecteur :

Engin ou substance ou animal ou autre moyen utilisé pour transporter un agent biologique jusqu'à sa cible.

Virus :

Micro-organisme contaminant qui consiste en une molécule d'acide nucléique entourée d'une coque protéique. Les virus se reproduisent dans des cellules vivantes. Leurs effets peuvent être amplifiés par une mutation naturelle ou par une modification génétique. Les agents viraux sont généralement mortels pour l'homme et, contrairement aux agents bactériologiques, ne peuvent faire l'objet d'un traitement. Différents virus peuvent être utilisés comme agents biologiques : le virus de l'encéphalite équine du Venezuela, le virus d'Ebola, et le virus de la fièvre jaune.

Le gaz sarin

Le gaz sarin

Le sarin (désignation OTAN : GB) est une substance inodore, incolore et volatile, de la famille des organophosphorés, neurotoxique pour l'homme et l'animal. Même à très faible dose (10 parties par milliard) il peut être fatal. On estime qu'il est environ 500 fois plus toxique que le cyanure. Il passe facilement la barrière des poumons et est absorbé par la peau, d'où il passe directement dans le sang. Quand il ne tue pas, il laisse de graves séquelles neurologiques.

Pour ces raisons, il a été utilisé comme arme chimique, avant d'être considéré comme une arme de destruction massive par les Nations unies (résolution 687, 1991). À ce titre, sa production et sa conservation sont interdites depuis 1993. Les États devaient avoir détruit leurs stocks d'armes chimiques avant 2007.

En 1952, les Britanniques l'ont modifié pour en créer une version dix fois plus mortelle nommée VX. Le chlorosarin et le cyclosarin (désignation OTAN : GF) sont des dérivés du sarin.

Origine

Le sarin fut découvert en 1939 à Wuppertal-Elberfeld dans la vallée de la Ruhr en Allemagne, dans les laboratoires de l'IG Farben, par quatre chercheurs allemands à la recherche de meilleurs pesticides. Le composé reçoit son nom d'après ses inventeurs : Schrader, Ambros, Rüdiger, Ritter et Van der Linde.

Caractéristiques chimiques

Le sarin est proche, par sa structure et ses effets, d'insecticides tels que le malathion ou le carbaryl. Il est également proche de médicaments tels que la pyridostigmine, la néostigmine et l'antilirium.

À température ambiante, le sarin est incolore, inodore et liquide. Il s'évapore rapidement sous la forme d'un nuage incolore et inodore également. Sa volatilité permet de s'avancer sans risque sur un terrain touché par ce produit de quelques minutes à quelques heures plus tard (selon la météorologie).

Il est soluble dans l'eau et dans la plupart des liquides biologiques.

Durée de vie

Le sarin a une durée de vie relativement longue quand il est conservé dans de bonnes conditions, mais il se dégrade en quelques semaines à quelques mois dans l'environnement, non sans conséquences pour les animaux qui entreraient en contact avec lui. Il pourrait persister plus longtemps dans les sols et sédiments en l'absence d'oxygène et de lumière, et certains de ses sous-produits ou métabolites peuvent être toxiques. D'après la CIA, en 1989, le gouvernement irakien aurait détruit au moins 40 tonnes de sarin dégradé.

Effets biologiques

Écorché d'une ogive d'entrainement de missile sol-sol Honest John. Les sous-munitions M139 devant contenir le sarin sont bien visibles. Le sarin est un neurotoxique de catégorie G : il attaque le système nerveux humain.

C'est un organophosphoré très puissant, qui inhibe l'acétylcholinestérase en formant un lien covalent avec le site actif de l'enzyme, qui devrait normalement effectuer l'hydrolyse de l'acétylcholine. Cela a pour effet de permettre à l'acétylcholine de prolonger son activité puisqu'elle n'est plus éliminée, ce qui aboutit à une paralysie complète et très rapide.

Les symptômes d'une exposition au sarin sont :

  • nez douloureux et enflé ;
  • hypersialorrhée (sécrétion surabondante de salive) ;
  • dyspnée (difficultés respiratoires) ;
  • myosis (pupilles contractées) ;
  • nausées, vomissements ;
  • incontinence, perte de conscience, coma ;
  • A un stade avancé, convulsions avant la mort par asphyxie.
  • L'exposition au sarin est potentiellement mortelle et laisse toujours de graves lésions et séquelles neurologiques permanentes chez ceux qui y survivent.
  • Une tonne de sarin ferait entre 300 et 700 morts par kilomètre carré à supposer une densité de 3 000–10 000 pers/km2 s'il est vaporisé par un avion en jour clair, ensoleillé, avec un vent modéré, 400 à 800 pour une nuit claire avec un vent modéré, 3 000 à 8 000 de nuit et dans des conditions de température et de vent favorables à son action toxique. La létalité de ce gaz dans d'autres conditions est de 7 à 8 % par km².

    Traitement

    Il fait l'objet de recherches depuis des décennies.

    Un empoisonnement au sarin doit être traité rapidement par de l'atropine ou des antagonistes de l'acétylcholine ainsi qu'un inhibiteur des organophosphorés, comme le pralidoxime. Une thérapie anticonvulsive à base de benzodiazépines est également utilisée.

    Plusieurs armées ont mis à la disposition de leurs soldats des seringues auto-injectables à 3 compartiments pré-chargées contenant successivement de l'atropine, la pralidoxime et le diazépam. Les soldats ont quelques minutes pour faire l'injection, à travers leur tenue de combat si nécessaire.

    Une autre piste étudiée depuis plusieurs années est de rapidement distribuer dans l'organisme un enzyme capable de rapidement hydrolyser les organophosphorés (certains insectes cibles ont développé des résistances aux organophosphorés). En 2019, Zhang et al. ont publié un article sur le développement d'un antipoison (bioscavenger, et plus précisément nanoscavenger basé sur des nanoparticules injectables décomposant les agents neurotoxiques organophosphorés en composés inoffensifs, efficacement testées chez le rat et le cobaye de laboratoire. Le produit semble avoir une faible immunogénicité et bien se distribuer dans le corps (biodistribution) ; de plus il protège pour une semaine contre une nouvelle exposition au sarin.

    Agent novitchok

    L'agent novitchok

    Les agents Novitchok (du russe : новичок, nouveau venu) sont un ensemble d'agents innervants développés par l'Union soviétique dans les années 1970 et 19802,3 puis par la Russie au moins jusque dans les années 19904. Ce sont des armes chimiques binaires, c'est-à-dire produites sous forme de composés précurseurs moins toxiques mis à réagir au moment de l'utilisation, dont l'existence a été rendue publique en octobre 1991 à la suite des révélations de Vil Mirzayanov, un scientifique russe aujourd'hui établi aux États-Unis qui participait à leur développement. Il s'agirait des agents innervants les plus toxiques jamais conçus. Certaines molécules, comme le A-232, auraient, dans les conditions optimales, un effet cinq à huit fois plus puissant que l'agent VX tandis que d'autres, comme le A-234, seraient dix fois plus toxiques que le soman.

    Ces composés appartiennent à la quatrième génération d'armes chimiquesa développées dans le cadre du programme soviétique Foliant. Initialement appelée K-84 et plus tard renommée A-230, la série Novitchok comprend plus d'une centaine de substances. D'un point de vue militaire, le plus performant de ces composés serait le A-232 (Novitchok-5), à l'origine du développement des formulations binaires de toute la série. Au sens strict, les agents innervants eux-mêmes sont appelés par leur code (A-232, par exemple) tandis que leur désignation Novitchok fait référence à leur forme binaire. Au sens large, de nombreux composés apparentés généralement très toxiques sont qualifiés de « type Novitchok » sans nécessairement être binaires.

    La structure chimique de ces composés est longtemps restée obscure. Ils ont été conçus pour échapper à la Convention sur l'interdiction des armes chimiques, ne pas être détectés par les experts en armement chimique occidentaux ni par les médecins légistes, rendre inopérants les moyens de l'OTAN de protection et de traitement contre les armes chimiques, et pouvoir être présentés comme relevant de l'industrie des pesticides organophosphorés. Ils ont en commun d'être des inhibiteurs de l'acétylcholinestérase, enzyme impliquée dans la transmission de l'influx nerveux et nécessaire à la relaxation musculaire. Ils agissent en provoquant une crise cholinergique conduisant à la mort essentiellement par étouffement.

    Description

    Exemples d'agents Novitchok selon Hoenig.

    Les agents Novitchok ont été décrits pour la première fois par Vil Mirzayanov en octobre 1995. Préparés sous forme d'huiles, de gels, voire de poudres ultra fines plutôt que sous forme de gaz ou de vapeur, ils présentaient des propriétés uniques. Ils furent ensuite préparés sous forme d'agents binaires, avec les mêmes propriétés que les précédents mais à partir de substances non régulées par la Convention sur l'interdiction des armes chimiques ou indétectables par les inspecteurs de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC). La désignation « Novitchok » se réfère la forme binaire de ces substances, le composé final étant désigné par son numéro de code (par exemple, A-232).

    La première série d'agents Novitchok correspondait à la forme binaire d'un agent de la série V, le VR, tandis que les derniers sont les formes binaires de composés tels que le A-232 et le A-234. Un rapport américain décrit le A-232 et son dérivé éthylé, le A-234, comme « aussi toxiques que le VX, aussi résistants au traitement que le soman, et plus difficiles à détecter et plus faciles à produire que le VX ». La version binaire de ces agents utiliserait de l'acétonitrile CH3CN et des phosphates organiques qui peuvent être présentés comme de simples précurseurs de pesticides.

    Les structures d'agents Novitchok données par Mirzayanov différaient quelque peu de celles identifiées par les experts occidentaux. Il précisa qu'un grand nombre de composés avaient été produits, et qu'un certain nombre d'entre eux, parmi les moins efficaces, avaient été publiés dans la littérature scientifique comme nouveaux insecticides organophosphorés afin de camoufler le programme soviétique d'armement chimique en programme de recherche sur les pesticides.

    La structure de l'un des plus puissants d'entre eux, le A-234, varie ainsi quelque peu entre celle proposée par Mirzayanov et celle proposée par des experts occidentaux comme Hoenig et Ellison.

    Effets et antidotes

    Structure tridimensionnelle d'une acétylcholinestérase cristallisée (PDB 1EA515). En tant qu'agents innervants, les agents Novitchok appartiennent à la classe des composés anticholinestérase organophosphorés. Ce sont des inhibiteurs de l'acétylcholinestérase, enzyme qui catalyse l'hydrolyse de l'acétylcholine CH3COOCH2CH2N+(CH3)3, un neurotransmetteur, en ion acétate CH3COO− et en choline HOCH2CH2N+(CH3)3. L'augmentation de la concentration en acétylcholine provoque une crise cholinergique majeure qui se traduit par un dysfonctionnement neuromusculaire généralisé conduisant à une sudation excessive, des nausées, des vomissements, la perte de contrôle des muscles, un arrêt respiratoire, un arrêt cardiaque et à la mort, que ce soit des suites d'une défaillance cardiaque ou d'une suffocation provoquée par l'envahissement des poumons par des sécrétions anormalement abondantes (bronchorrhée). D'après Mirzayanov, le Novitchok-5 (A-232) est, dans les conditions optimales, cinq à huit fois plus puissant que le VX ; deux études comparatives théoriques plus récentes, suggèrent quant à elles une toxicité inférieure à ce dernier. Les substances actives des Novitchok sont présumées être liquides, en partie également solides, et peuvent être administrées aux victimes par injection, inhalation ou application sur l'épiderme. Le A-230 et le A-232 franchissent la barrière hémato-encéphalique et pénètrent rapidement dans le système nerveux central à partir de la circulation sanguine générale.

    Atropine.

    Le traitement des victimes exposées à un agent Novitchok nécessite davantage de moyens que pour les autres agents innervants. En règle générale, l'utilisation d'anticholinergiques rapides tels que l'atropine peut bloquer les récepteurs de l'acétylcholine afin de prévenir l'empoisonnement du système nerveux parasympathique par un excès d'acétylcholine. Les doses d'atropine nécessaires dans le cas d'un empoisonnement par un agent Novitchok sont cependant telles qu'elles sont susceptibles d'infliger aux victimes des effets secondaires graves comme un changement de la fréquence cardiaque et l'épaississement des sécrétions bronchiques consécutives à l'exposition à l'agent innervant, de sorte que des techniques de maintien en vie sophistiquées sont nécessaires en complément de l'administration d'atropine.

    Dans le traitement des victimes exposées à un agent innervant, l'atropine est le plus souvent employée avec des oximes telles que la pralidoxime, l'obidoxime, le TMB-4 ou le HI-6, qui réactivent l'acétylcholinestérase inactivée par phosphorylation sous l'effet d'un agent innervant organophosphoré et soulagent la paralysie des muscles respiratoires provoquée par certains de ces agents. La pralidoxime n'est cependant pas efficace contre le soman et les agents Novitchok.

    Galantamine.

    Selon des scientifiques russes, les agents Novitchok sont susceptibles de laisser des séquelles dans le système nerveux conduisant à des handicaps physiques permanents. Leurs effets sur l'homme ont pu être observés sur Andreï Jelezniakov, un scientifique soviétique qui a participé à leur développement et a été accidentellement exposé à un agent Novitchok non déterminé alors qu'il travaillait dans un laboratoire à Moscou en 1987. Il fut hospitalisé dans un état critique et mit dix jours à reprendre conscience après l'accident. Il perdit la capacité de marcher et fut traité dans une clinique secrète à Léningrad pendant les trois mois qui suivirent. Il souffrit par la suite de « faiblesse musculaire chronique aux bras, d'une hépatite toxique conduisant à une cirrhose du foie, d'épilepsie, d'accès de dépression, et d'incapacité à lire ou à se concentrer qui le laissa totalement handicapé et inapte au travail ». Il ne s'en remit jamais et mourut en juillet 1992 après que sa santé se fut détériorée pendant cinq ans.

    L'US Army a financé des études sur l'utilisation de la galantamine avec l'atropine dans le traitement de plusieurs agents innervants, dont le soman et les agents Novitchok. Une synergie inattendue est apparue entre la galantamine, administrée cinq heures avant jusqu'à 30 minutes après l'exposition, et l'atropine, administrée à raison de 6 mg/kg ou plus. Augmenter la dose de galantamine de 5 à 8 mg/kg réduit la dose d'atropine nécessaire pour protéger des animaux de la toxicité du soman administré à hauteur de 1,5 fois la DL5020.