Définition

Les tactiques d'infanterie sont la combinaison de concepts militaires et de méthodes de combat utilisées par l'infanterie pour atteindre des objectifs tactiques pendant les opérations militaires. Le rôle de l'infanterie sur le champ de bataille est généralement de venir au contact de l'ennemi pour le mettre hors de combat ou, a contrario, de défendre des positions contre ses attaques et les tactiques d'infanterie sont les moyens par lesquels y parvenir. Traditionnellement, l'infanterie constitue la part principale des forces combattantes d'une armée et, par conséquent, subit souvent les plus lourdes pertes (tués ou blessés au combat et « portés manquants », à l'exclusion des prisonniers de guerre). Tout au long de l'histoire, les formations d'infanterie ont donc cherché à minimiser leurs pertes en attaque et en défense, par des tactiques efficaces.

Stratégie militaire romaine

La stratégie militaire romaine

Tactiques de l'infanterie romaine

Les tactiques de l'infanterie romaine font référence aux formations, aux déploiements et aux manœuvres de l'infanterie romaine depuis les débuts de la République romaine jusqu'à la fin de l'Empire. L'armée romaine fut un élément incontournable de la puissance de Rome.

La « façon romaine » de faire la guerre était caractérisée par une puissante infanterie lourde organisée en légions soumise à un entraînement et à une discipline rigoureuse. La puissance de Rome reposait également sur une logistique bien organisée et sur une organisation flexible. Les autres puissances autour de la Méditerranée, Carthage, la Macédoine, les tribus gauloises et germaniques ou l'Empire Parthe furent repoussées voire détruites par les légions romaines qui surent s'adapter aux tactiques de leurs opposants.

L'histoire militaire romaine ne fut pas une suite ininterrompue de victoires, Rome connut des défaites et parfois des désastres militaires. Néanmoins jusqu'au iiie siècle, elle parvint à maîtriser ses adversaires. Face à de nouveaux adversaires et tiraillée par des tensions internes, l'armée romaine ne parvint pas à s'adapter et l'infanterie lourde, pilier du système militaire romain disparut.

Organisation, commandement et logistique

Structure de commandement

Une fois que le soldat avait fini son entraînement, il était assigné à une légion de 6 000 hommes dont le nombre variait entre 23 et 40. La légion était divisée en dix cohortes. Les cohortes étaient divisées en trois manipules, chacune divisée en deux centuries. La première cohorte d'une légion regroupait généralement les soldats les plus expérimentés. De nombreuses légions étaient regroupées pour former une force terrestre ou « armée ».

Une armée était commandée par un magistrat détenteur de l'imperium (consul, un proconsul ou un préteur voire un dictateur en cas d'urgence sous la République). Un promagistrat ou un légat de légion pouvait uniquement commander une seule légion et non une armée consulaire composée de plusieurs légions et d'unités alliées. Au début de la République, il était possible pour une armée d'avoir un commandement dual avec différents consuls prenant alternativement le commandement. Les légats de légion étaient des sénateurs qui assistaient le commandant d'armée. Les tribuns militaires commandaient les cohortes, les centurions commandaient les manipules et les centuries.

Logistique

La logistique romaine était l'une des plus efficaces de l'antiquité. Parmi ses missions, l'envoi d'agents pour acheter toutes les provisions nécessaires, la construction de routes et de stocks de ravitaillement ou la location de navires pour transporter les troupes par mer. L'équipement lourd et le matériel (tentes, armes supplémentaires, équipement, etc.) était transporté par des mules et des chariots tandis que les troupes transportaient leur équipement individuel. Comme toutes les armées, l'armée romaine exploitait les ressources locales parfois en pillant les ressources des paysans ayant la malchance d'habiter à proximité du front. De même que pour la plupart des forces militaires, un assortiment de marchands, d'escrocs, de prostituées et d'autres fournisseurs de services variés suivaient la route des troupes romaines.

L'infanterie romaine à la bataille

Préparations initiales et mouvements vers la bataille

La marche d'approche. Une fois que la légion était déployée pour l'opération, la marche commençait. L'approche du champ de bataille se faisait en plusieurs colonnes pour améliorer la manœuvrabilité. Une forte avant-garde composée d'éclaireurs, de cavaliers et d'infanterie légère précédait généralement le corps d'armée principal. Celle-ci avait pour mission de repérer le terrain et les emplacements pour construire le camp. Des unités étaient également déployées sur les flancs pour protéger le corps principal composé de l'infanterie lourde et du convoi de matériel et de ravitaillement.

Construction du camp fortifié. Les légions en campagne établissaient un campement puissamment fortifié composé de palissades et de fossés offrant une base pour le stockage du ravitaillement, le campement des troupes et pour la défense. Un camp était toujours mis en place même s'il n'allait être utilisé que pour une seule nuit. Les camps étaient reconstruits à chaque fois que l'armée se déplaçait et étaient tous construits sur le même modèle. Il y avait toujours quatre portes connectées par deux routes se croisant au centre du camp où se trouvaient les tentes de commandement et un autel pour les cérémonies religieuses. Tout était standardisé, depuis l'emplacement des équipements aux tâches des officiers qui devaient mettre en place les sentinelles et les ordres de marches pour les jours suivants. Le camp pouvait atteindre une centaine d'hectares pour les plus grands et pouvaient abriter jusqu'à 20 000 hommes. Un glacis de 50 mètres de large était mis en place autour du camp pour empêcher toute attaque surprise.

Levée du camp et marche. Après un petit-déjeuner, les trompettes annonçaient le départ. Les tentes étaient rangées, l'équipement était chargé sur les mules et les unités étaient formées. Le camp était brûlé et détruit pour empêcher son utilisation par l'ennemi. Il existait cependant des camps permanents qui n'étaient évidemment pas détruits à chaque fois.

Renseignement.

Les officiers romains exploitaient toujours les renseignements utiles particulièrement lors des sièges ou d'affrontements imminents. L'information était récoltée par des espions, des collaborateurs, des diplomates, des émissaires et des alliés. Les messages interceptés par les Romains lors de la deuxième guerre punique furent exploités pour déployer deux armées pour intercepter l'armée d'Hasdrubal Barca avant qu'il ne puisse renforcer l'armée d'Hannibal. Les officiers gardaient également un œil sur Rome car des rivalités politiques avaient déjà provoqué l'échec de campagnes militaires. Des éclaireurs étaient envoyés pour repérer les points faibles de l'adversaire, capturer des prisonniers et intimider les populations locales4.

Moral. Si le lieu de la bataille potentielle était proche, les déplacements se faisaient prudemment. Les officiers étudiaient les lieux et l'opposition tandis que les troupes se préparaient physiquement et mentalement à la bataille. Des sacrifices aux dieux et l'annonce d'un bon présage étaient faits. Des parades étaient parfois réalisées pour tester les réactions ennemies et pour accroître le moral des soldats.

Déploiement pour le combat

Disposition en ligne triple

L'infanterie romaine se déployait face à l'ennemi et à l'époque de la République, elle se déployait en trois lignes dans une formation appelée « triplex acies », chacune d'entre elles avait généralement huit rangs en profondeur. Les hastati formaient la première ligne (la plus proche de l'ennemi), les principes tenaient la deuxième ligne et les vétérans triarii occupaient la troisième ligne. Ceux-ci empêchaient la panique ou une retraite non autorisée des premiers rangs et étaient parfois utilisés comme réserve dans la bataille. En cas de défaite imminente, les première et deuxième lignes se reformaient derrière la ligne des triarii en vue d'une contre-attaque ou d'une retraite ordonnée. Comme recourir aux triarri n'arrivait que dans les cas extrêmes, l'expression latine ad triarios rediisse (tomber sur les triarii) signifiait une situation désespérée.

Disposition classique en trois lignes

Dans ce système en trois lignes, les écrivains romains expliquent que les manipules adoptaient une formation en quinconce lors du déploiement mais avant l'engagement. Dans la première ligne, les manipules d'hastati laissaient des espaces entre elles. Les principes de la deuxième ligne et les triarii de la troisième faisaient de même en se positionnant derrière les espaces laissés par la ligne devant eux. L'infanterie légère ou les vélites se tenaient en une ligne continue mais désordonnée.

Les manœuvres étaient très complexes du fait de la poussière soulevée par des milliers de combattants et des cris des officiers tentant de maintenir l'ordre. Plusieurs milliers d'hommes devaient se positionner à la bonne place aux côtés de l'infanterie légère et de la cavalerie. Une fois en position, la ligne de front pouvait atteindre plus d'un kilomètre9.

La disposition en trois lignes resta la règle pendant plusieurs siècles. La réforme marianique supprima les divisions fondées sur l'âge et la classe sociale. Les vélites furent progressivement intégrés dans le corps des légionnaires et la réforme standardisa les armes et réorganisa les légions sur de grandes unités manœuvrantes comme les cohortes. La taille moyenne des légions augmenta et la professionnalisation se généralisa10.

Guerre médiévale

L'Art de la Guerre au Moyen Âge

Stratégie militaire

Au Moyen Âge, à l'exception de Crécy, Bouvines ou Azincourt, il n'existe pas vraiment de grandes batailles. La majorité des opérations militaires consistent à éviter la bataille rangée et l'affrontement en rase campagne. La majorité des conflits ne sont que des escarmouches ou des embuscades (cependant meurtrières), des raids et des opérations relativement courtes mais avec des déplacements relativement longs en raison de la progression lente des armées. Souvent, dans les conflits locaux, il s'agissait de mettre en difficulté son adversaire en l'affaiblissant militairement (perte d'hommes, de matériel...) et économiquement (demande de rançons, destruction des ressources). Ainsi, il était coutume d'engendrer la crainte et la terreur, ce qui explique les sacs, pillages et autres rapines qui touchaient le plus souvent des populations pauvres et innocentes.

Tactique militaire

Le plus souvent, une armée était une combinaison de cavaliers et d'hommes à pied, ce qui aboutissait à un dispositif assez complexe qui était l'œuvre de grands tacticiens comme Charles le Téméraire par exemple. Il ne faut pas oublier qu'à l'époque, il n'existait pas de cartes d'état-major. Les commandants en chef n'avait une connaissance du terrain qu'en employant des espions ou des guides locaux. L'usage des cartes n'apparaît qu'au cours du XVe siècle pour les opérations terrestres, alors qu'on en employait depuis le XIIIe siècle pour les expéditions nautiques.

La bataille rangée

Refusée la plupart du temps, la bataille rangée était cependant le point le plus culminant de toute campagne. Il existe trois types de combattants au cours des batailles :

  • La cavalerie montée : Constituée de 3 ou 4 rangs de cavaliers formant une « bataille ». L'ensemble était constitué de petits groupes tactiques appelés « conrois » groupés autour d'une bannière représentant une famille ou un seigneur. On formait alors des blocs de cavaliers et de lances le plus serré possible. Les cavaliers se mettaient lentement en route pour conserver l'alignement, puis accélérant au moment d'arriver sur l'ennemi. Le but était de disperser l'ennemi, pour former des groupes isolés facile à vaincre.
  • La cavalerie démontée : La tactique était d'attendre l'attaque de l'adversaire. Cela pouvait durer longtemps... Elle était très utilisée par les Anglais, les Français, quant à eux l'appréciaient peu et l'employèrent bien trop tardivement.
  • L'infanterie : Le corps d'infanterie avait trois dispositifs de combats : en ligne de front sur quelques rangs formant une sorte de rempart ; en cercle très en usage chez les Suisses, employé par les Français à Bouvines ; en bloc comme la bataille en forme de quadrilatère, auquel s'ajoute un triangle d'hommes faisant face à l'adversaire. Une telle formation de 10 000 hommes occupait une surface de 60 m sur 60.
  • Sièges et places fortes

    Les Sièges

    La plupart du temps, face à l'arrivée d'une massive armée, la seule solution adoptée est d'aller se retrancher dans une place forte où l'on s'organisera pour soutenir le siège. La guerre de l'époque n'est donc qu'une succession de perte et de reprise de places fortes émaillés par de fulgurantes charges de chevaliers. Si l'attaque échouait, les chevaliers survivants se retranchaient à nouveau derrière les murailles de la place forte. C'est ce que l'on appelle la guerre guerroyante. Les armées se livraient alors à une incroyable partie d'échecs qui consistait à s'emparer des places fortes, car celui qui les dominait, contrôlait tout le fief.

    Le château fort

    Le château est le lieu de résidence du seigneur, plus il est imposant et doté de moyens de défense, plus le seigneur affirme sa puissance et sa gloire. Mais c'est aussi un lieu militaire protégeant les biens et habitants du fief. Les premiers châteaux furent des tours en bois établies sur des collines que l'on protégeait par plusieurs palissades et fossés. Vulnérables aux feu et autres armes de jet, la pierre fut utilisée sous l'impulsion de normands. Les premiers donjons en pierre étaient carrés, par la suite on les faisait arrondis pour réduire les angles morts. Puis sous l'impulsion de Philippe Auguste en France, les châteaux devinrent de véritables forteresses. Il devenait alors difficile de s'en emparer. La méthode la plus courante était le siège, on encerclait le château pour le couper des ressources. En manque d'approvisionnement, les assiégés finissaient par se rendre. Cependant le château pouvait contenir une grande quantité de ressources et le siège pouvait durer des années. Il fallait alors passer à la prise du château.

    Les corps d'armées

    La cavalerie

    Généralement, il y avait trois divisions de cavalerie, la première vague devait enfoncer l'ennemi, le gêner et le disperser, pour que les deux suivantes vagues puissent le mettre en déroute. Les chevaliers, qui étaient l'élite de l'armée obéissait rarement aux ordres, ils combattaient uniquement pour leur gloire personnelle, la victoire n'était qu'au second plan. Parfois, les stratèges mettaient leurs cavaliers à pied à combattre avec les fantassins en renfort, on se plaçait derrière des dispositifs (pieux, tranchées) pour contrer des charges. La bataille de Crécy (1346) montre bien l'indiscipline des chevaliers, les Français qui étaient bien plus nombreux se sont butés face aux archers Anglais qui se retranchaient derrière des pieux, ils étaient appuyés par des chevaliers à pied, et vainquirent les Français. Mais à la fin du Moyen Âge, le rôle de la cavalerie lourde était beaucoup plus réduit, les stratèges avaient compris qu'il ne suffisait pas de charger des troupes d'infanterie bien disciplinées. Les charges dévastatrices étaient encore possible, mais lorsque l'ennemi était en fuite et désorganisé.

    Les archers

    Pendant le Moyen Âge, il y avait toute sorte d'armes de jet (arc court, arc long, arbalète), l'avantage des archers était de pouvoir tuer l'ennemi sans engager de combat individuel. Très pratiqué dans les temps anciens, l'arme de jet s'oublia au début du Moyen Âge où les chevaliers dominaient les territoires. Le code d'honneur rejetait l'arc, qui est considéré comme l'arme d'un lâche. Mais les archers demeuraient utiles pour les sièges et batailles, ils furent déterminant au cours des batailles d'Hastings (1066) et Crécy (1346). Les archers étaient en formation compacte, leurs flèches pouvaient percer une armure à moins de cent mètres. Les Anglais utilisèrent beaucoup les archers car ils étaient désavantagés lorsqu'ils se battaient hors de leur île. Ils développèrent la tactique du tir de barrage, plutôt que de viser une cible individuelle, ils visaient la zone qu'occupait l'ennemi. Ils pouvaient en outre tirer six flèches à la minute. Les arbalétriers devinrent incontournables dans les autres armées d'Europe, qui bénéficient d'une meilleure précision. Vers le XIVe siècle, les premières armes à feu de poing apparurent aux champs de bataille.

    L'infanterie

    Pendant l'Âge sombre, les fantassins étaient prédominants dans les armées, la tactique était simple, on s'approchait de l'ennemi et on lui donnait de grands coups d'épées. Les Francs lançaient leurs haches avant de se précipiter sur l'ennemi pour briser leurs rangs. L'arrivée des chevaliers éclipsa l'infanterie, qui manquait de discipline et d'entraînement, il s'agissait souvent d'une milice de paysans. Les Saxons et les Vikings utilisaient leurs bouclier en avant pour se protéger des archers et des cavaliers. Les pays vallonnés (Écosse, Suisse) apprirent à utiliser l'infanterie contre l'ennemi, les lanciers et piquiers armés de lances et de pointes pouvaient ainsi mettre en déroute une cavalerie. Les Écossais plaçaient un cercle de lanciers pendant leurs guerre d'indépendance (comme dans le film « Braveheart »). Les Suisses se spécialisèrent avec l'utilisation des piques en réadaptant les formations de phalanges grecques. Pour contrer ces lourdes formations serrées, les Espagnols eurent l'idée d'utiliser l'artillerie, puis chargeait avec une infanterie équipés d'armes légères.

    Guerre Napoléonienne

    Les principes de guerre de Napoléon

    Dès ses premières campagnes, Napoléon, illustré ici avec son Etat-major par Rava Giuseppe, s'impose par des succès foudroyants. L'art de la guerre semble en être bouleversé et renouvelé. Mais à y regarder de plus prêt, il est difficile de parler de révolution stratégique ou tactique. Vers la fin du 18e siècle, les modifications apportées par les progrès de l'armement ont, dans le domaine de la "grande tactique", toutes été plus ou moins clairement exposées dans les divers règlements et surtout dans les écrits des grands écrivains militaires comme Guibert, Bourcet, ou du Teil.

    Les principales conséquences et avantages de l'adoption du système divisionnaire ont en particulier déjà été pressenties. La division possède une certaine autonomie. Isolée, elle possède une faculté de résistance, de durée et des possibilité de combat en retraite. Elle peut se diviser pour vivre et se réunir pour combattre. Elle permet l'extension des fronts grâce à laquelle on peut contraindre l'ennemi à la bataille.

    Ayant étudié ces écrivains, Napoléon est leur héritier intellectuel Il n'a pas, à proprement parler, inventé. Sa qualité première est de savoir choisir entre les procédés qui lui sont légués, pour les adapter aux circonstances et les fondre en un système complet. L’œuvre ci-contre, de Félix Philipoteaux, montre le futur Empereur lors de l’une de ses victoires sur les Autrichiens, le 14 Janvier 1797 à Rivoli, au sein de l’armée de la révolution. Par d'habiles manoeuvres, une armée française de 30.000 hommes prendra l'ascendant sur les troupes ennemies deux fois supérieures en nombre. Cette bataille entrainera peu après la capitulation de Mantoue.

    Les progrès du 18e sciècle en matière d'armement ont entraîné une lente évolution de l'organisation des armées et des formes de la guerre. Napoléon va précipiter cette évolution et atteindre la perfection dans leur mise en pratique. Aucun progrès ne sera ensuite possible sans un perfectionnement préalable de l'armement et des moyens de combat.

    Le système napoléonien

    Napoléon n'est pas un théoricien. Il dira lui-même à Sainte-Hélène : "II n'y a point de règles précises, déterminées. Tout dépend du caractère que la nature a donné au général, de ses qualités, de ses défauts, de la nature des troupes, de la portée des armes, de la saison et de mille circonstances qui font que les choses ne se ressemblent pas". Tout au plus peut-on dégager certains traits communs des divers procédés qu'il emploie.

    Il n'en reste par moins un stratège exceptionnel, sachant manier avec efficacité les divisions comme les armées, en tenant compte des différences de chaque arme. Son utilisation de l'artillerie et de la cavalerie, illustrée ici par la charge de la brigade Marmaron à Austerlitz de Giuseppe Rava, est particulièrement redoutable.

    La recherche de la bataille

    Pour de nombreuses raisons militaires, économiques et politiques, le but de Napoléon est de finir la guerre le plus rapidement possible. Il va donc rechercher la bataille décisive. Pour atteindre ce but deux conditions sont nécessaires. Il doit tout d’abord imposer la bataille à l'ennemi, puis s’y présenter avec la supériorité numérique.

    Le principe divisionnaire facilite la réalisation de la première de ces conditions. Son adoption permet de s'affranchir de la "bataille par consentement mutuel" du 18e siècle. Réaliser la seconde condition, c'est à dire obtenir la supériorité numérique sur le champ de bataille, sera le souci constant de l'Empereur.

    Sur le champ de bataille, Napoléon tire tous les avantages de l’excellente organisation du système divisionnaire français. L’attaque finale est régulièrement donnée par un coup décisif de la cavalerie. Cet effet de choc de la cavalerie française, que l’Empereur déclenche souvent au bon endroit et au bon moment, sera craint par l’ennemi.

    L'artillerie est elle aussi redoutablement efficace. Grâce à la pertinence du système Gribeauval, une bonne partie d'entre elle est montée et se déplace rapidement Elle met parfois même en batterie à quelques centaines de mètres de l'ennemi.

    Mais l'infanterie reste de loin l'arme la plus présente sur le champ de bataille, comme l'illustre cette attaque de la Garde, de Rava Giuseppe. La Garde se compose de troupes d'élites souvent placées en réserve au début de la bataille, et les lignes sont tenues par les divisions l'infanterie conventionnelle. Le système divisionnaire français permet une utilisation beaucoup plus souples des troupes tout en gagnant en rapidité de manoeuvre.

    La supériorité des forces

    Napoléon obtient généralement la supériorité de ses forces en provoquant la dispersion de celles de l’ennemi et en concentrant ses propres moyens. L’Empereur a d’ailleurs toujours affaire à une coalition et les intérêts de chacun de ses ennemis sont souvent divergents, parfois même contradictoires. De plus, les délais nécessaires à leur entrée en campagne, leur faculté de marche, ou leur stratégie peuvent aussi se matérialiser par de grandes différences.

    Napoléon s'ingénie d'ailleurs à provoquer la supériorité de ses forces par la forme de son dispositif initial, qui, en embrassant une large étendue, laisse l'ennemi dans l'incertitude quant aux points d'attaque éventuels. Cette tactique est renforcée par des feintes, destinées à tromper l’ennemi et à lui faire déplacer ses réserves.

    Dès ses expériences de commandement comme général de la Révolution, Bonaparte utilise la feinte dans sa tactique. A Arcole, entre le 15 et le 17 novembre 1796, l'armée française se heurte à une solide défense autrichiène. Au fameux pont, Bonaparte tente de traverser avec ses hommes, comme l'illustre cette œuvre de Carle Vernet, et il s'en faut de peu qu'il n'y perde la vie. La défense ennemie étant trop forte, il décide d’envoyer ses tambours sur les arrières des Autrichiens, afin de leur faire croire à l’arrivée de renforts français. La feinte fonctionne, l’armée ennemie allége ses lignes pour faire face à cette menace factice, et l'offensive française réussit.

    Si cela est possible, Napoléon lance ses troupes dans une avance rapide au milieu du dispositif ennemi. C'est la "manœuvre en lignes intérieures", permettant de battre successivement les différentes fractions des forces ennemies. La concentration des forces pour la bataille est la préoccupation essentielle de l'Empereur car elle permet l’unité d'action et l'économie des forces.

    A propos de l'unité d'action Napoléon est formel : "il ne doit y avoir sur un même théâtre d'opérations qu'une seule armée, c'est à dire qu'un seul général employant toutes les troupes à une action unique, les faisant concourir à la défaite des force; ennemies, à leur ruine par la bataille" cité par Colin dans « Les Transformations de la guerre ».

    Conformément au principe de l'économie des forces, Napoléon ne laisse en arrière aucune troupe capable de tenir campagne. S'il lui est nécessaire de consacrer une partie de ses effectifs à des missions secondaires comme la couverture, le retardement ou la découverte, il en dose les moyens avec une parcimonie d'avare.

    Ancien officier d'artillerie, l'Empereur possède une parfaite maitrise de l'arme. Mais au delà de cette qualité, il sait tirer tous les avantages du système divisionnaire français, et en particulier de sa souplesse. Cette organisation militaire française sera ensuite adoptée par l'ensemble des autres armées et reste en vigueur de nos jours.

    Lorsque l’on passe à l'application, tous ces principes semblent imposer des conditions en apparence contradictoires. Il faut embrasser toute l'étendue du théâtre d'opérations afin de saisir l'ennemi à coup sûr d'une part et se présenter à la bataille strictement concentré d'autre part, ou encore se garder partout et maintenir l'ennemi dispersé d'une part et avoir le maximum de forces disponibles pour la bataille d'autre part.

    Accorder ces contraires est l'objet de la "Grande tactique" ou science des mouvements des diverses colonnes et détachements dont se compose l'armée. Chaque jour et à chaque instant l'armée doit être en mesure de manœuvrer dans toutes les hypothèses possibles. Son dispositif doit assurer sa sûreté, mais l’armée doit également pouvoir changer de direction, ou détacher une fraction sans se disperser, destinée à contenir une menace adverse ou à agir sur le flanc ou les arrières de l'ennemi.

    Napoléon est un maître dans cet art de la "grande tactique", comme le confirme Colin, toujours dans « Les transformations de la guerre » : "Si l'armée ennemie est au milieu des divisions françaises, elle est enveloppée, tandis que si l'armée française se trouve entre les masses ennemies, elle les sépare". La bataille de Friedland, illustrée ici par Jean Louis Ernest Meissonnier est assez représentative de l'apogée de la maitrise tactique française.

    La vitesse

    Cette conception de la guerre exige une rapidité d'exécution inconnue jusqu'alors. Si Napoléon montre en général peu d'intérêt pour la tactique du combat lui-même, rien de ce qui touche la tactique de marche des grandes unités ne le laisse indifférent. Il met par exemple sur pied des cantonnements échelonnés en profondeur aux axes de marche, il améliore le réseau routier et étudie minutieusement les itinéraires.

    Les efforts demandés aux troupes sont considérables. Pendant la campagne d'Italie de 1797 la division Masséna se bat le 13 janvier à Vérone, le 14 au matin elle est à Montebaldo à 40kms de là et participe à la bataille de Rivoli. Le 14 au soir elle repart en direction de Mantoue et franchit les 70 kms qui l'en sépare en une journée. Puis, le 16 janvier, elle gagne le combat de la Favorite.

    Un régiment de dragons de la Garde impériale met 68 jours pour parcourir les 2.800 km séparant Saint-Sébastien en Espagne de Vienne en Autriche, avec seulement deux jours de repos, à Paris et à Strasbourg, et il arrive en parfait état.

    La planche ci-contre, illustrant le déplacement de ce régiment de dragons, est extraite de l'œuvre du docteur Lienhart et de René Humbert, regroupant de nombreux dessins d'uniformes français. L'ensemble fut éditée à la fin du 19e siécle.

    La recherche du renseignement

    Etre renseigné sur les mouvements et les intentions de l'adversaire est indispensable à l'Empereur pour l'établissement de ses combinaisons. Au 18e siècle, quand les armées marchaient d'un seul bloc, rien n'était plus facile que de situer la position de ennemi, la rumeur publique y suffisait. Mais l'apparition du système divisionnaire a entraîné une extension considérable des fronts et il devient bien difficile de situer le gros des forces ennemies parmi tous les détachements qui sillonnent un territoire. Le rôle de la cavalerie devient alors primordial.

    Pendant les guerres de la Révolution, la cavalerie, désorganisée et toute entière endivisionnée était finalement très mal employée. Sous Napoléon, la réorganisation de cette arme et la création de grandes unités de cavalerie, permet de mener à bien l'exploration, comme par exemple celle de la plaine de Leipzig par Murât avant la bataille d'Iéna. L’œuvre ci-contre, également due à Carle Vernet, illustre le retour de la puissance de la cavalerie française en présentant un colonel du 10e régiment de cuirassiers. Ce type d'unités, particulièrement représentatif de l'action de choc, est souvent appelé "cavalerie lourde", car portant une cuirasse.

    La bataille napoléonienne

    La bataille napoléonienne pourrait se résumer par plusieurs phases successives. Tout d’abord un combat de front fixe l'adversaire, l'oblige à engager ses troupes et l'use. S’en suit un mouvement tournant, ou si l'ennemi est trop fort, un simple mouvement débordant, afin de menacer ses arrières, agir sur son moral et le contraindre à engager ses réserves.

    Quand la désorganisation de l'ennemi paraît suffisante et que toutes ses réserves ont été engagées, une attaque décisive menée à fond par des troupes soigneusement gardées en réserve et préparée si possible par une masse d'artillerie, est lancée par Napoléon lui-même.

    C'est l' "Evènement" qui décide du sort de la bataille, parfaitement illustré par Philippoteaux avec ce cuirassier de 1812, puisque bon nombre de batailles sont achevées par une charge des unités de choc.

    Enfin si la fatigue des troupes ne s'y oppose pas, une poursuite sans répit, menée par la cavalerie, achève la décomposition des forces ennemies. Cette action, entièrement nouvelle, contribue à donner à la bataille napoléonienne son caractère d'anéantissement, comme le démontre par exemple celle succédant à la bataille d’Iéna