La stratégie militaire romaine
Tactiques de l'infanterie romaine
Les tactiques de l'infanterie romaine font référence aux formations, aux déploiements et aux manœuvres de l'infanterie romaine depuis les débuts de la République romaine jusqu'à la fin de l'Empire. L'armée romaine fut un élément incontournable de la puissance de Rome.
La « façon romaine » de faire la guerre était caractérisée par une puissante infanterie lourde organisée en légions soumise à un entraînement et à une discipline rigoureuse. La puissance de Rome reposait également sur une logistique bien organisée et sur une organisation flexible. Les autres puissances autour de la Méditerranée, Carthage, la Macédoine, les tribus gauloises et germaniques ou l'Empire Parthe furent repoussées voire détruites par les légions romaines qui surent s'adapter aux tactiques de leurs opposants.
L'histoire militaire romaine ne fut pas une suite ininterrompue de victoires, Rome connut des défaites et parfois des désastres militaires. Néanmoins jusqu'au iiie siècle, elle parvint à maîtriser ses adversaires. Face à de nouveaux adversaires et tiraillée par des tensions internes, l'armée romaine ne parvint pas à s'adapter et l'infanterie lourde, pilier du système militaire romain disparut.
Organisation, commandement et logistique
Structure de commandement
Une fois que le soldat avait fini son entraînement, il était assigné à une légion de 6 000 hommes dont le nombre variait entre 23 et 40. La légion était divisée en dix cohortes. Les cohortes étaient divisées en trois manipules, chacune divisée en deux centuries. La première cohorte d'une légion regroupait généralement les soldats les plus expérimentés. De nombreuses légions étaient regroupées pour former une force terrestre ou « armée ».
Une armée était commandée par un magistrat détenteur de l'imperium (consul, un proconsul ou un préteur voire un dictateur en cas d'urgence sous la République). Un promagistrat ou un légat de légion pouvait uniquement commander une seule légion et non une armée consulaire composée de plusieurs légions et d'unités alliées. Au début de la République, il était possible pour une armée d'avoir un commandement dual avec différents consuls prenant alternativement le commandement. Les légats de légion étaient des sénateurs qui assistaient le commandant d'armée. Les tribuns militaires commandaient les cohortes, les centurions commandaient les manipules et les centuries.
Logistique
La logistique romaine était l'une des plus efficaces de l'antiquité. Parmi ses missions, l'envoi d'agents pour acheter toutes les provisions nécessaires, la construction de routes et de stocks de ravitaillement ou la location de navires pour transporter les troupes par mer. L'équipement lourd et le matériel (tentes, armes supplémentaires, équipement, etc.) était transporté par des mules et des chariots tandis que les troupes transportaient leur équipement individuel. Comme toutes les armées, l'armée romaine exploitait les ressources locales parfois en pillant les ressources des paysans ayant la malchance d'habiter à proximité du front. De même que pour la plupart des forces militaires, un assortiment de marchands, d'escrocs, de prostituées et d'autres fournisseurs de services variés suivaient la route des troupes romaines.
L'infanterie romaine à la bataille
Préparations initiales et mouvements vers la bataille
La marche d'approche. Une fois que la légion était déployée pour l'opération, la marche commençait. L'approche du champ de bataille se faisait en plusieurs colonnes pour améliorer la manœuvrabilité. Une forte avant-garde composée d'éclaireurs, de cavaliers et d'infanterie légère précédait généralement le corps d'armée principal. Celle-ci avait pour mission de repérer le terrain et les emplacements pour construire le camp. Des unités étaient également déployées sur les flancs pour protéger le corps principal composé de l'infanterie lourde et du convoi de matériel et de ravitaillement.
Construction du camp fortifié. Les légions en campagne établissaient un campement puissamment fortifié composé de palissades et de fossés offrant une base pour le stockage du ravitaillement, le campement des troupes et pour la défense. Un camp était toujours mis en place même s'il n'allait être utilisé que pour une seule nuit. Les camps étaient reconstruits à chaque fois que l'armée se déplaçait et étaient tous construits sur le même modèle. Il y avait toujours quatre portes connectées par deux routes se croisant au centre du camp où se trouvaient les tentes de commandement et un autel pour les cérémonies religieuses. Tout était standardisé, depuis l'emplacement des équipements aux tâches des officiers qui devaient mettre en place les sentinelles et les ordres de marches pour les jours suivants. Le camp pouvait atteindre une centaine d'hectares pour les plus grands et pouvaient abriter jusqu'à 20 000 hommes. Un glacis de 50 mètres de large était mis en place autour du camp pour empêcher toute attaque surprise.
Levée du camp et marche. Après un petit-déjeuner, les trompettes annonçaient le départ. Les tentes étaient rangées, l'équipement était chargé sur les mules et les unités étaient formées. Le camp était brûlé et détruit pour empêcher son utilisation par l'ennemi. Il existait cependant des camps permanents qui n'étaient évidemment pas détruits à chaque fois.
Renseignement.
Les officiers romains exploitaient toujours les renseignements utiles particulièrement lors des sièges ou d'affrontements imminents. L'information était récoltée par des espions, des collaborateurs, des diplomates, des émissaires et des alliés. Les messages interceptés par les Romains lors de la deuxième guerre punique furent exploités pour déployer deux armées pour intercepter l'armée d'Hasdrubal Barca avant qu'il ne puisse renforcer l'armée d'Hannibal. Les officiers gardaient également un œil sur Rome car des rivalités politiques avaient déjà provoqué l'échec de campagnes militaires. Des éclaireurs étaient envoyés pour repérer les points faibles de l'adversaire, capturer des prisonniers et intimider les populations locales4.
Moral. Si le lieu de la bataille potentielle était proche, les déplacements se faisaient prudemment. Les officiers étudiaient les lieux et l'opposition tandis que les troupes se préparaient physiquement et mentalement à la bataille. Des sacrifices aux dieux et l'annonce d'un bon présage étaient faits. Des parades étaient parfois réalisées pour tester les réactions ennemies et pour accroître le moral des soldats.
Déploiement pour le combat
Disposition en ligne triple
L'infanterie romaine se déployait face à l'ennemi et à l'époque de la République, elle se déployait en trois lignes dans une formation appelée « triplex acies », chacune d'entre elles avait généralement huit rangs en profondeur. Les hastati formaient la première ligne (la plus proche de l'ennemi), les principes tenaient la deuxième ligne et les vétérans triarii occupaient la troisième ligne. Ceux-ci empêchaient la panique ou une retraite non autorisée des premiers rangs et étaient parfois utilisés comme réserve dans la bataille. En cas de défaite imminente, les première et deuxième lignes se reformaient derrière la ligne des triarii en vue d'une contre-attaque ou d'une retraite ordonnée. Comme recourir aux triarri n'arrivait que dans les cas extrêmes, l'expression latine ad triarios rediisse (tomber sur les triarii) signifiait une situation désespérée.
Disposition classique en trois lignes
Dans ce système en trois lignes, les écrivains romains expliquent que les manipules adoptaient une formation en quinconce lors du déploiement mais avant l'engagement. Dans la première ligne, les manipules d'hastati laissaient des espaces entre elles. Les principes de la deuxième ligne et les triarii de la troisième faisaient de même en se positionnant derrière les espaces laissés par la ligne devant eux. L'infanterie légère ou les vélites se tenaient en une ligne continue mais désordonnée.
Les manœuvres étaient très complexes du fait de la poussière soulevée par des milliers de combattants et des cris des officiers tentant de maintenir l'ordre. Plusieurs milliers d'hommes devaient se positionner à la bonne place aux côtés de l'infanterie légère et de la cavalerie. Une fois en position, la ligne de front pouvait atteindre plus d'un kilomètre9.
La disposition en trois lignes resta la règle pendant plusieurs siècles. La réforme marianique supprima les divisions fondées sur l'âge et la classe sociale. Les vélites furent progressivement intégrés dans le corps des légionnaires et la réforme standardisa les armes et réorganisa les légions sur de grandes unités manœuvrantes comme les cohortes. La taille moyenne des légions augmenta et la professionnalisation se généralisa10.